dimanche 8 mars 2020

Des Causses du Larzac au Japon


1971. Le gouvernement de l’époque (et son ministère des armées, ainsi s’appelle-t-il alors) souhaite agrandir le camp militaire du Larzac.
Levée de boucliers ! de fourches ! de tracteurs ! Gardarem Lo Larzac.
Les paysans engagent la lutte qui durera dix ans, puisqu’élu en 1981, Mitterrand annonce le retrait du projet. 
 
Je n’ai pas connu ce premier mouvement. Mais le Larzac est resté une terre de mobilisation, et pas uniquement sur la question des terres agricoles et de ses usages. On se rappellera le démontage d’un truc qui vend de la bouffe et qu’on retrouve hélas partout sur notre planète ! La mondialisation sera/est dénoncée sur le plateau du Larzac... comme à beaucoup d’autres endroits.
Me rappelant avoir beaucoup apprécié le film documentaire Tous au Larzac (Christian Rouaud, 2011), j’ai acheté dans une bouquinerie un livre signé Christiane et Pierre Burguière, soit deux figures historiques de cette lutte (ils sont signataires du « serment des 103 » s’engageant à ne pas quitter leurs terres quels que soient les moyens employés pour les chasser), et publié aux éditions Privat : Gardarem ! Chronique du Larzac en lutte.



En détaillant le sommaire, je tombe sur : Le Larzac au Japon ??!!

Durant les années 70, les solidarités internationales existent et les luttes menées dans le monde sont connues de tous. Des allemands viennent à Plogoff. Et inversement des bretons vont à Francfort.
Au Japon, depuis 1966, à Narita (province de Chiba), des paysans japonais luttent contre le projet d’extension de l’aéroport. A l’époque, les États-Unis intensifient leurs attaques depuis le Japon contre la péninsule indochinoise et l’aéroport de Haneda (aéroport principal de Tokyo) est surchargé. Le gouvernement décide alors de s’emparer d’un village, à une soixantaine de kilomètres de la capitale, et d’expulser les paysans (deux cents familles de fermiers résidents de Sanrizuka et Shibayama). Malgré la loi qui protège les agriculteurs, une première tentative de saisie des terres a lieu au début des années 1970. Certains paysans céderont et l’aéroport se construit. Mais son extension n’est, aujourd’hui, toujours pas achevée.

En août 1981, des Rencontres internationales pour la Paix ont lieu sur le plateau du Larzac. Une délégation japonaise de Sanrizuka et de ses environs s’y rendent.


(photo trouvée sur le site Syndicatdes Justiciables)
 

En retour, ils invitent les français à se déplacer en mars 1982 pour une manifestation prévue. 8 feront le déplacement pour participer à un rassemblement pour la paix.  
Une photo prise lors de ce voyage, on peut en voir une, en page 498 de la thèse de Gaël Franquemagne, Les mobilisations socio-territoriales : le Larzac, une cause en mouvement, et consultable sur le site tel.archives-ouvertes.fr



Je cite l’ouvrage déjà mentionné :

«  Dès notre arrivée à Osaka, nous sommes accueillis chaleureusement par une foule importante. Quelques personnes tiennent une grande banderole : « Solidarité Larzac-Sanrizuka ». Dans nos bagages, nous avons emporté une banderole du Larzac et deux buis de notre causse pour planter à Sanrizuka et à Hiroshima…
Le soir, dans l’immense ville d’Osaka, la deuxième du Japon, le groupe se réunit dans un café. IL est 23 heures. Nous attendons un car qui doit nous conduire jusqu’à Hiroshima. Malgré la pluie, les rues sont encore très animées à cette heure. Vers minuit, nous prenons la route. Depuis notre arrivée au Japon, nous sommes constamment suivis dans nos déplacements par un ou plusieurs véhicules de police, et cela se poursuivra tout au long de notre séjour…
Dans un grand parc d’Hiroshima, une immense foule de plusieurs milliers de personnes est rassemblée arborant des costumes colorés signifiant l’appartenance à différentes organisations, portant des drapeaux, des banderoles. Nous sommes invités par les comités Sanrizuka à adresser un message du Larzac…
Vers la fin de l’après-midi, accompagnés d’interprètes, nous allons dans une maison de jeunes rencontrer une personne victime de la bombe parmi d’autres qui chaque jour, tel un chemin de croix, témoignent « au monde » des souffrances qui brûlent encore en elles, souvenirs d’horreur, d’apocalypse.
Après cette journée passée ensemble à Hiroshima, un groupe se rend dans l’île de Kyushu, à Minamata, blottie dans une baie paradisiaque. »

Pas si paradisiaque que ça bien sûr quand on connaît la catastrophique histoire de Minamata !

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Sanrizuka au Larzac, et le Larzac au Japon, une petite histoire, mais pas anecdotique du tout.

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PS : le cinéma japonais militant des années 60 et 70 s’est emparé de ce sujet notamment ShinsukeOgawa (1936-1992) et le collectif Ogawa Pro qui entre 1968 et 1978 ont tourné 7 films à Sanrizuka.
À ce sujet lire l’article de Max Tessier dans Le cinéma japonais au présent.


Barbara Hammer, réalisatrice américiane, a réalisé en 2000, Devotion, sur le Collectif Ogawa Production.

PS 2 : Les réalisateurs Bénie Deswarte et Yann Le Masson signent en 1973 Kashima Paradise consacré à l’industrialisation en relatant deux événements : l’expropriation des populations pour construire un immense complexe industriel nommé Kashima Paradise, et le combat mené par les paysans et étudiants contre la construction de l’aéroport international de Narita.
Leur film est disponible aux éditions Montparnasse.



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