1971.
Le gouvernement de l’époque (et son ministère des armées, ainsi
s’appelle-t-il alors) souhaite agrandir le camp militaire du
Larzac.
Levée
de boucliers ! de fourches ! de tracteurs !
Gardarem Lo Larzac.
Les
paysans engagent la lutte qui durera dix ans, puisqu’élu en 1981,
Mitterrand annonce le retrait du projet.
Je
n’ai pas connu ce premier mouvement. Mais le Larzac est resté une
terre de mobilisation, et pas uniquement sur la question des terres
agricoles et de ses usages. On se rappellera le démontage d’un
truc qui vend de la bouffe et qu’on retrouve hélas partout sur
notre planète ! La mondialisation sera/est dénoncée sur le
plateau du Larzac... comme à beaucoup d’autres endroits.
Me
rappelant avoir beaucoup apprécié le film documentaire Tous au
Larzac (Christian Rouaud, 2011), j’ai acheté dans une bouquinerie
un livre signé Christiane et Pierre Burguière, soit deux figures
historiques de cette lutte (ils sont signataires du « serment
des 103 » s’engageant à ne pas quitter leurs terres quels
que soient les moyens employés pour les chasser), et publié aux
éditions Privat : Gardarem ! Chronique du Larzac en lutte.
En
détaillant le sommaire, je tombe sur : Le Larzac au Japon ??!!
Durant
les années 70, les solidarités internationales existent et les
luttes menées dans le monde sont connues de tous. Des allemands
viennent à Plogoff. Et inversement des bretons vont à Francfort.
Au
Japon, depuis 1966, à
Narita (province de Chiba),
des paysans japonais luttent contre le projet d’extension de
l’aéroport. A l’époque, les États-Unis intensifient
leurs attaques depuis le Japon contre la péninsule indochinoise et
l’aéroport de Haneda (aéroport principal de Tokyo) est surchargé.
Le gouvernement décide alors de s’emparer d’un village, à une
soixantaine de kilomètres de la capitale, et d’expulser les
paysans (deux cents familles de fermiers résidents de Sanrizuka et
Shibayama). Malgré la loi qui protège les agriculteurs, une
première tentative de saisie des terres a lieu au début des
années 1970. Certains paysans céderont et l’aéroport se
construit. Mais son extension n’est, aujourd’hui, toujours pas
achevée.
En
août 1981, des Rencontres internationales pour la Paix ont lieu sur
le plateau du Larzac. Une délégation japonaise de Sanrizuka et de
ses environs s’y rendent.
En
retour, ils invitent les français à se déplacer en mars 1982 pour
une manifestation prévue. 8 feront le déplacement pour participer à
un rassemblement pour la paix.
Une photo prise lors de ce voyage, on peut en voir une, en page 498 de la thèse de Gaël Franquemagne,
Les mobilisations socio-territoriales : le Larzac, une cause en mouvement, et consultable sur le site
tel.archives-ouvertes.fr
Je cite l’ouvrage déjà
mentionné :
«
Dès notre arrivée à Osaka, nous sommes accueillis chaleureusement
par une foule importante. Quelques personnes tiennent une grande
banderole : « Solidarité Larzac-Sanrizuka ». Dans
nos bagages, nous avons emporté une banderole du Larzac et deux buis
de notre causse pour planter à Sanrizuka et à Hiroshima…
Le
soir, dans l’immense ville d’Osaka, la deuxième du Japon, le
groupe se réunit dans un café. IL est 23 heures. Nous attendons un
car qui doit nous conduire jusqu’à Hiroshima. Malgré la pluie,
les rues sont encore très animées à cette heure. Vers minuit, nous
prenons la route. Depuis notre arrivée au Japon, nous sommes
constamment suivis dans nos déplacements par un ou plusieurs
véhicules de police, et cela se poursuivra tout au long de notre
séjour…
Dans
un grand parc d’Hiroshima, une immense foule de plusieurs milliers
de personnes est rassemblée arborant des costumes colorés
signifiant l’appartenance à différentes organisations, portant
des drapeaux, des banderoles. Nous sommes invités par les comités
Sanrizuka à adresser un message du Larzac…
Vers
la fin de l’après-midi, accompagnés d’interprètes, nous allons
dans une maison de jeunes rencontrer une personne victime de la bombe
parmi d’autres qui chaque jour, tel un chemin de croix, témoignent
« au monde » des souffrances qui brûlent encore en
elles, souvenirs d’horreur, d’apocalypse.
Après
cette journée passée ensemble à Hiroshima, un groupe se rend dans
l’île de Kyushu, à Minamata, blottie dans une baie
paradisiaque. »
Pas
si paradisiaque que ça bien sûr quand on connaît la catastrophique
histoire de Minamata !
~~~
Sanrizuka
au Larzac, et le Larzac au Japon, une petite histoire, mais pas
anecdotique du tout.
~~~
PS :
le cinéma
japonais militant
des années 60 et 70 s’est emparé de ce sujet notamment ShinsukeOgawa (1936-1992)
et le
collectif Ogawa Pro qui
entre 1968 et 1978 ont
tourné
7 films à Sanrizuka.
À
ce sujet lire l’article de Max Tessier dans Le cinéma japonais au
présent.
Barbara
Hammer, réalisatrice américiane, a réalisé en 2000, Devotion, sur
le Collectif Ogawa Production.
PS
2 : Les
réalisateurs Bénie Deswarte et Yann Le Masson signent en 1973
Kashima Paradise consacré
à
l’industrialisation en relatant deux événements : l’expropriation
des populations pour construire un immense complexe industriel nommé
Kashima
Paradise,
et le combat mené par les paysans et étudiants
contre la construction de l’aéroport international de Narita.
Leur film
est disponible aux éditions Montparnasse.